Faire écrire des fictions ?

« Vous verrez qu’on peut raconter une histoire d’amour, une enquête criminelle ou une chronique familiale de mille manières différentes et que ce n’est pas la nouveauté de l’histoire qui compte, mais la manière dont on la raconte. »

C’est Martin Winckler, cet amoureux-raconteur-d’histoires dans l’enjeu de la narration.

Martin Winckler fait partie des compagnons auteurs qui m’ont entourée ces dernières semaines tandis que je préparais le programme des ateliers.

Un premier atelier : l’atelier commencer un récit long.
Perec y rejoint Winckler pour l’amour des histoires « qui se dévorent à plat ventre sur son lit. »

Perec, qui a inspiré Winckler, qui vous inspirera à son tour tandis que je vous écouterai écrire.
(Oui, sans doute est-ce cela qui fait ma posture lorsque je vous accompagne dans l’écriture en atelier : je vous écoute écrire.)

Cette écoute, (accompagnement et traversée) — outre un goût profond pour l’art et mon expérience de la psychanalyse –, cette écoute s’est construite depuis mon amour immodéré pour les histoires qui nous disent les hommes et le monde dans le silence des livres.

Enfin. Avant d’accéder aux voix qui parlent dans le silence des livres, il y eut un passeur ; un passeur et une voix — la voix de mon grand-père me lisant les histoires des frère Grimm (ces collecteurs de légendes), le soir dans la maison du Nord où nous passions ensemble l’été.

La journée, il y avait l’espace immense des plages du Nord et l’attente de la voix qui raconterait, le soir, les histoires qui font le monde habitable, intelligible.

C’est encore Winckler. Il dit que les livres le consolent, l’éclairent, le fortifient.

Avec Winckler, avec Perec et bien d’autres — je vous invite à écrire des fictions qui nourriront notre plaisir d’écouter les histoires qui naissent dans le silence des livres.

L’attention est le creux d’une attente

Ma question, lorsque j’ouvre un atelier d’écriture ou une formation (et cela quel que soit le contexte, quel que soit l’objet du travail), ma question est : saurai-je vous entendre ?

Je vais à votre rencontre avec mes questions, vous les pose ; vous propose de m’adresser les vôtres en retour : l’écriture ? la lecture ? vos attentes ?

Toute rencontre humaine tisse des liens de langage. Entre les personnes qui rejoignent mes ateliers ou formations et moi, va se jouer une expérience partagée de langage.

« Tout langage est recherche intense d’autrui et de soi, relation, expression de la réflexion et du rêve », écrit Claudie Cachard dans un ouvrage cité ici.

Je vous parle d’écriture et de livres. Des liens entre soi, le monde, et le langage — de la possibilité de s’en saisir. Ma parole est une invitation à explorer la langue, je provoque un mouvement vers l’écriture, puis j’attends.

Saurai-je vous entendre ? L’attention naît de cette question, dans le creux de l’attente. J’attends les textes que vous écrivez en lien, ou en écho avec mon invitation à frayer votre chemin dans la langue. Que serait un atelier si les écritures n’y étaient pas reçues par celle ou celui qui les demande ?

« Un lien social, humain, passe par un rapport au langage où le langage vit dans ses deux dimensions fondamentales : comme parole adressée et comme matière polysémique, moyen d’expérimentation et de jeu avec le monde et les autres », écrit Leslie Kaplan dans Du lien social.

Leslie Kaplan parle aussi de la désolation. « Dans la désolation, ce qui est atteint, c’est le lien fondamental humain du langage, la confiance dans les mots, dans la parole de l’autre. »

Accompagner dans l’écriture demande cette attention de qui appelle et reçoit les textes. Soi, les autres. Entre nous, les mouvements et les jeux du langage. Entre nous, l’attention portée aux mots, aux phrases — ce qu’ils nous disent.

« Jouer c’est une expérience créative », écrit Winicott dans Jeu et réalité.

« Il existe un développement direct qui va du jeu au jeu partagé, et, de là, aux expériences culturelles. »

L’atelier restaure la confiance dans le langage, si quelqu’un est là pour donner son attention aux désirs d’énoncer. Alors il devient un espace de jeu partagé où la langue, les recherches de formes et de sens, s’explorent comme « construction du sujet dans son rapport au monde. » (Kaplan)

 

à sa fenêtre

Écrire – 2

Écrire est une façon de regarder.

« Où mène ce que je suis entrain de faire ? Si je savais où ça mène, je ne l’écrirais pas. Parce que, écrire, c’est ça : partir sans savoir où on va arriver. Sans même savoir si on arrivera quelque part. Écrire est un art immobile, me dis-je. Et je ne sais même pas ce que ça veut dire. »

Avec Carlos Liscano, dans L’écrivain et l’autre, Belfond.

« Les gens marchent, bougent, parlent, quelqu’un sonne à la porte d’une maison, une jeune femme passe, une petite fille dans les bras. C’est la réalité, le monde, tout est mû par un secret espoir, une raison. »

Écrire est une expérience avec le langage.

« Refréner l’impatience. La création est un travail lent. La plupart des jours se passe en répétition, en accumulation. Parfois, en un instant, un saut a lieu, et c’est là. On sent alors qu’on a fait quelque chose, même s’il ne faut pas le croire tout à fait. »

« L’art est un moyen de trouver un sens à l’étonnement d’être au monde. »

Écrire ? Regarder ?

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