Ma question, lorsque j’ouvre un atelier d’écriture ou une formation (et cela quel que soit le contexte, quel que soit l’objet du travail), ma question est : saurai-je vous entendre ?
Je vais à votre rencontre avec mes questions, vous les pose ; vous propose de m’adresser les vôtres en retour : l’écriture ? la lecture ? vos attentes ?
Toute rencontre humaine tisse des liens de langage. Entre les personnes qui rejoignent mes ateliers ou formations et moi, va se jouer une expérience partagée de langage.
« Tout langage est recherche intense d’autrui et de soi, relation, expression de la réflexion et du rêve », écrit Claudie Cachard dans un ouvrage cité ici.
Je vous parle d’écriture et de livres. Des liens entre soi, le monde, et le langage — de la possibilité de s’en saisir. Ma parole est une invitation à explorer la langue, je provoque un mouvement vers l’écriture, puis j’attends.
Saurai-je vous entendre ? L’attention naît de cette question, dans le creux de l’attente. J’attends les textes que vous écrivez en lien, ou en écho avec mon invitation à frayer votre chemin dans la langue. Que serait un atelier si les écritures n’y étaient pas reçues par celle ou celui qui les demande ?
« Un lien social, humain, passe par un rapport au langage où le langage vit dans ses deux dimensions fondamentales : comme parole adressée et comme matière polysémique, moyen d’expérimentation et de jeu avec le monde et les autres », écrit Leslie Kaplan dans Du lien social.
Leslie Kaplan parle aussi de la désolation. « Dans la désolation, ce qui est atteint, c’est le lien fondamental humain du langage, la confiance dans les mots, dans la parole de l’autre. »
Accompagner dans l’écriture demande cette attention de qui appelle et reçoit les textes. Soi, les autres. Entre nous, les mouvements et les jeux du langage. Entre nous, l’attention portée aux mots, aux phrases — ce qu’ils nous disent.
« Jouer c’est une expérience créative », écrit Winicott dans Jeu et réalité.
« Il existe un développement direct qui va du jeu au jeu partagé, et, de là, aux expériences culturelles. »
L’atelier restaure la confiance dans le langage, si quelqu’un est là pour donner son attention aux désirs d’énoncer. Alors il devient un espace de jeu partagé où la langue, les recherches de formes et de sens, s’explorent comme « construction du sujet dans son rapport au monde. » (Kaplan)
Certains de mes écrivants sont très loin de l’écriture, il me faut donc leur montrer que pendant ces deux heures d’atelier, elle est là, toute proche…
Oui, Serge ; c’est parce qu’elle nous habite que ceux qui nous rejoignent dans nos ateliers peuvent s’approcher de la leur, non ?