Écrire aux Buttes Chaumont, repérages
Je suis dans les livres, je prépare l’atelier…
… je laisse les livres, rejoins le parc derrière des grilles…
(s’agit-il d’une frontière ?)
j’entre par la porte Bolivar… déjà le chant des oiseaux autour du pavillon du brigadier…
ai-je quitté la ville ?
« Décrire l’espace : le nommer, le tracer, comme ces faiseurs de portulans qui saturaient les côtes de noms de ports, de noms de caps, de noms de cirques, jusqu’à ce que la terre finisse par ne plus être séparée de la mer que par un ruban continu de texte. »
je fais le tour par les hauteurs côté Simon Bolivar…
je le croise lui, puis
elles
et eux…
« Il n’y a pas un espace, un bel espace, un bel espace alentour, un bel espace tout autour de nous, il y a plein de petits bouts d’espaces »
… des couleurs, des odeurs, des cerisiers en fleurs…
« Travaux pratiques.
Observer la rue, de temps en temps, peut-être avec un souci un peu systématique. S’appliquer. Prendre son temps. »
… le sequoia d’Amérique, le sophora penché sur l’eau, le févier, le noisetier de Byzance, l’orme de Sibérie, les cèdre du Liban, le saule et les deux ginkgos bilobas, les hêtres pourpres… les reliefs abruptes, le belvédère, le temple, le pont suspendu…
« Ou bien, plutôt, découvrir ce que l’on n’a jamais vu, ce qu’on attendait pas, ce qu’on imaginait pas. »
Une profusion de signes dont je n’ai saisi qu’une infime partie.
Jean-Charles Alphand est à l’origine de ce jardin inouï.
Il a voulu ce temple,
« Notre regard parcourt l’espace et nous donne l’illusion du relief et de la distance. C’est ainsi que nous construisons l’espace : avec un haut et un bas, une gauche et une droite, un devant et un derrière, un près et un loin. »
Le livre avec moi : Georges Perec, Espèces d’espace.
Vous pouvez lire ici un texte écrit sur ce jardin : Un jardin dans la ville
atelier de samedi 12/4/14
Il zoom, elle s’expose
Il tente, elle prend la pause
Il clic, elle s’élève dans toute sa gloire
La Basilique
Aïda, céleste dans sa robe blanche
Bonheur de l’instant, à portée de coeur
Tout neuf
Deux mains, un enfant, un sourire
Une photo… et hop
Le vent frétille dans l’air qui s’alanguit
Pieraille, ferraille, rocaille, béton
la ville s’est égarée entre les pelouses
poussettes trottinettes, valises roulent
sur la passerelle
où les mariées étalent leurs traînes
saupoudrées d’espérances
Un oiseau vole entre la Sibylle et le Sacré coeur
L’eau se glisse en épousailles improbables
avec les cimes ondulantes or et vert
Indifférents les canards tracent leurs sillons
à toute vitesse un bateau traverse les lignes
Dodelinant du chef, un poney trimballe
sa carriole d’enfants
Blottis contre la barrière de pierre
Des amoureux oublient le temps
Lumière d’espace
Le ruisseau discret trouve le chemin du lac
La Sybille s’ennuie
Délogée par la foule
Elle abandonne à l’oiseau
l’art de ses secrets
Chante oiseau chante
Que la nuit s’étende
Et dans le silence
Le lieu redeviendra nôtre
Merci à vous
Annpôl Kassis
Merci chère Annpôl pour cette saisie de la vie des Buttes ce samedi d’avril.
5 fragments qui, entre touristes photographes et portraits intimes, Sybille et Sacré coeur, donnent un regard sur la diversité foisonnante des “habitants” de ce jardin au printemps.
Pas loin de l’entrée du parc, un autre pavillon. Briques marron, ocre et rouille surmontées d’un camaïeu de mosaïques bleues. Une frise de triangles, de ronds en haut des quatre faces de chaque mur. Au toit, de fausses tuiles plates en bois moussu menacent de tomber.
Un chemin raviné à l’ombre des arbres bas, à gauche, invite à l’écart. Changement d’itinéraire impromptu. Traversée d’une trouée ensoleillée et retour à la pénombre. Au bout, une barrière en rondins de béton armé donne de la gîte, menaçant de s’effondrer. Puis une grille rouillée en impasse. Deux adolescentes se prêtent au jeu et posent derrière les barreaux, pour la photo. Prisonnières volontaires et souriantes.
Un homme, un enfant et un chien, assis côte à côte, tournés vers le lac. L’arbre les abrite tel un parasol de minuscules fleurs tendres. Il se mire dans l’onde de ses pétales roses.
Merci, chère Brigitte, pour ces trois tableaux entre ombre et lumière.
Le temps inscrit ses traces sur les édifices vieux de 150 ans — à côté les arbres renaissent, chaque printemps.