Ce qui ne s’est jamais dit

On travaille à partir de quelques images auxquelles on est assujetti, qu’on tente de déployer dans l’écriture…

… écrivait celui qui cherchait ce qui se cache sous les mots, invisible.

    « On écrit pour laisser la parole à ce qui ne s’est jamais dit, à ce qu’on n’était pas à même de dire. On s’avance sur un territoire inconnu, non quadrillé, non répertorié dans notre cartographie intime. Écrire, pour moi, c’est une traversée sans boussole, sans orientation précise. »

JB Pontalis, dans L’amour des commencements, se demande comment l’enfant qu’il fut — plongé dans le silence par la disparition précoce de son père — devint le psychanalyste, écrivain et éditeur qu’il était — un homme principalement occupé des faits du langage.

La langue, désirable et mystérieuse, insaisissable et pourtant nécessaire — sa « belle étrangère ».

    « Par brèves saisies, sans que nous puissions décider qui saisit qui, nous avons l’illusion de la tenir, mais la voici de nouveau fugitive et retrouvant du coup tous ses pouvoirs – d’envol, de dispersion, d’ubiquité, d’enracinement. Air, eau, feu, terre : en elle se conjuguent tous les éléments. »


Braque, Grand Palais 2013

Dialogue avec Colette Fellous sur France Culture au moment de la sortie de L’enfant des limbes : À voix nue — pour le plaisir d’entendre à nouveau sa voix.

Personnages, avec Sylvie Germain

Un jour, ils sont là. Un jour, sans aucun souci de l’heure.
Ils ? Les personnages.

Lorsque je fais écrire des Histoires de vies, Sylvie Germain occupe une place particulière. J’aime l’imagination étonnamment fertile de ses premiers romans. Une imagination peuplée de personnages dont la présence, traversant ses livres, irrigue mes propres rêveries de lectrice.

    « Tout lecteur qui remarque un personnage, trouvant en lui matière à émotions, à rêveries ou à réflexions, lui refait don d’un peu de vie, si infime soit ce peu. Les personnages n’habitent qu’en apparence dans les livres qui les ont délivrés de leurs limbes, ils n’aspirent qu’à s’en aller déambuler en tous sens. »


Une écriture hautement métaphorique, trouvant sa source dans la pensée rêvante chère à JB Pontalis qui, en 2004, publia Les personnages dans la collection L’un et l’autre de Gallimard.

    « Sans une parole le personnage revendique le droit de s’extraire de ces limbes où il a longtemps sommeillé, et d’enfin recevoir la possibilité d’agir. Sans une parole il nous dicte son vœu, lequel a force d’ordre tant il est impérieux : être écrit.
    Il a l’autorité d’un songe. »


Dans Les personnages, Sylvie Germain témoigne de la patience qui habite l’écrivain. Patience et silence. Dans le silence le personnage appelle, il fait bruire le langage.

    « Voilà, le personnage s’est faufilé en nous, comme un ennemi dans une forteresse (…) et il nous met au défi de “prouver” son existence par la force du langage, de faire s’épouser le rêve et la réalité par la magie du verbe. »


personnage