Faire naître une histoire

Vous aimez lire, écrire, jouer ?

Vous aimez les histoires et l’imagination, vous écrivez des textes brefs, vous aimeriez entrer dans l’aventure d’un récit long ?

— J’ai des tas de débuts d’histoires dans mes tiroirs… mais comment aller plus loin ?
— J’ai envie d’écrire, mais quoi ? Autobio ? Fiction ? Et surtout : comment accrocher les lecteurs ?
— Je n’ai pas d’imagination ! J’ai bien un vague projet, mais comment le mettre en œuvre ? Il doit bien y avoir des astuces, des trucs à savoir, une méthode ?
— J’aime écrire, c’est un rêve de jeunesse, mais je ne suis pas assez assidu.
— Des tas de personnages se bousculent dans ma tête, mais dans quelle histoire puis-je les faire évoluer ?
— Écrire, c’est toujours très cahotique pour moi… Dès qu’il s’agit d’écrire long, je rencontre des tas de dilemmes, je m’y perds…
— J’ai des tas d’idées, mais je ne sais pas comment les mettre en œuvre. J’ai besoin d’être aidé.
— J’ai bien une idée d’histoire, et quelques péripéties en tête, mais comment organiser tout ça ?
— Comment mon personnage arrivera-t-il où j’ai envie de le conduire ? J’ai besoin d’être orientée et stimulée.
— J’ai déjà publié des écrits universitaires, j’ai envie d’écrire autrement.
— Chaque fois que j’ai commencé un roman, je me suis arrêté aux deux-tiers… Je me lasse. J’aimerais arriver au bout cette fois.
— Seule, je n’y arrive pas, j’ai besoin qu’on m’aide à avancer.

Cheminer dans la fiction. Entrer pas à pas dans son histoire, dans le concret de la fabrication de l’histoire qu’on va raconter. Trouver un fil conducteur, imaginer et déployer une intrigue, incarner un personnage — lui donner de la profondeur, le dynamiser avec une quête, le faire avancer dans l’histoire… Esquisser les premières péripéties, se demander comment fonctionne une scène…

Frayer, ce faisant, son propre chemin parmi le foisonnement des univers qui naissent et se développent dans l’atelier. Faire entendre sa singularité, son imagination propre, en donnant forme à l’histoire qu’on est seul.e à pouvoir raconter.

Accepter de ne pas savoir ce qui s’écrira avant d’écrire. Accompagner la mise en mouvement de l’histoire, prendre goût au pas à pas de l’écriture, au pas à pas de l’imagination.

Continuer, malgré le sentiment que ça ne va pas. Aller plus loin : avec les propositions, avec l’écriture, avec les autres. Être porté.e par un groupe, par l’élan donné dans l’atelier.

L’atelier peut être suivi par e-mail. Il vous invite à transformer une idée de départ en projet concret ; à donner forme à l’intrigue qui soutiendra votre récit ; à créer des personnages en lien avec le thème que vous aurez choisi ; à choisir la forme de narration qui servira votre projet ; à trouver, enfin, comment donner force et conviction à votre histoire.

Ensuite, si vous avez pris goût à l’aventure de l’atelier, si vous désirez avancer dans votre récit, si vous avez mesuré l’importance d’être soutenu.e pour construire votre histoire, il sera possible de la poursuivre dans l’Atelier Chantiers.

Et peut-être, plus tard, direz-vous, comme d’autres avant vous, qu’un truc important s’est mis en marche. « Plus on avance, plus on a de points d’appui dans notre histoire, plus on se projette loin… mais plus on avance et plus la matière à charrier devient dense, foisonnante, risque de s’éparpiller ; on perçoit mieux combien il est compliqué de la raconter. »

Imaginer, raconter, construire. C’est l’aventure, et le travail, auxquels vous invite cet atelier.

Voir l’atelier Commencer un récit long par e-mail
Voir l’atelier Chantiers

Mettre une histoire en mouvement

Comment trouver l’inspiration et la motivation pour s’engager dans une écriture au long cours ?

C’est à cette invitation de l’atelier Commencer un récit long par e-mail qu’avait répondu Christiane, il y a bientôt un an. Tout comme Francine, quelques temps auparavant.

“J’essaie de me souvenir pour quelles raisons j’ai voulu mettre en œuvre cette démarche d’accompagnement. Certainement, d’abord, pour tenter un travail d’écriture de longue haleine, pour me coltiner à cette traversée vers le texte. […] Traduire un thème, caractériser un personnage, identifier des événements, des obstacles, penser transformation, développement de l’histoire, aboutissement de l’intrigue : autant d’étapes nécessaires pour que vienne s’incarner progressivement une histoire, non plus dans la fulgurance, mais dans le cadre d’une progression clairement (enfin, idéalement…) formulée, à tout le moins à peu près identifiée. Pour commencer.”

Christiane désirait travailler par e-mail. Elle avait choisi ce dispositif pour écrire chez elle, à son rythme. Nous nous étions rencontrées une première fois, elle m’avait dit ce désir. Puis elle l’avait laissé mûrir. Puis un jour elle s’est dite prête. Elle reçut une première proposition d’écriture. Je fis connaissance avec son projet.

“Ceci étant posé, se reconnaître dans ce qu’on est en train d’écrire est sans doute le plus compliqué. Ce texte qui vous sort des doigts, parfois (en réalité le plus souvent) on se demande d’où il sort, on se demande ce qu’il veut dire, on se demande quoi en faire, on tourne autour, on le reprend une fois, dix fois, cent fois – il ne dit toujours pas son nom. On insiste, on attaque à l’autre bout, on souffle, on trépigne, on s’arrache les cheveux (heureusement on a arrêté de fumer). De guerre lasse, parfois, on laisse tomber, on lâche, et quelquefois ça vient à ce moment-là, d’autres fois tout finit à la poubelle.”

Tous ces aléas du processus d’écriture, avec Christiane, je ne les connaîtrai pas pendant que nous travaillons ensemble — à la différence de ce que j’observe dans les groupes, où les craintes et les doutes s’expriment à réception des propositions d’écriture, où les corps soupirent et s’agitent pendant les temps d’écriture, ou les difficultés se disent avant de lire le texte qu’on vient d’écrire dans l’atelier.

“Le plus compliqué, pour moi, c’est de ne pas perdre le fil. Jusqu’à comprendre, qu’en réalité, il n’y en a pas qui préexiste – qu’il n’y a d’histoire que là où je l’écris. D’où la nécessité d’élever momentanément des échafaudages (hum quand ils ne prennent pas feu). D’où la nécessité de « prévoir » un peu les couloirs par lesquels l’écriture passera, se faufilera, trouvera à avancer – et quelquefois encore à se perdre.”

Cet accompagnement s’est donc déroulé à distance, étape après étape — envoi d’une proposition, réception d’un texte en réponse, envoi de mes retours sur le texte reçu, accompagnés de la proposition suivante. De Christiane, j’ai reçu peu de commentaires sur les textes qu’elle m’envoyait. Entre elle et moi : ses textes, et l’évolution de son histoire.

“Apprentissage d’un travail d’étayage de mon écriture sous l’angle de la mise en mouvement d’un récit de fiction. Mise en mouvement. C’est vraiment l’expression que j’ai envie de retenir (si je puis dire… !). Mettre en mouvement pour que ça démarre, pour que ça entraîne – qui ? Mais le lecteur ! Ha, celui-là. M’en suis-je jamais préoccupé… Jamais, à vrai dire. […] Rendre clair pour quelqu’un d’autre ce qui l’est pour moi – quand j’écris. […] Qu’est-ce que je veux dire ? Et comment le dire pour que l’écart demeure, qui laisse de la place à l’imagination du lecteur, sans que s’installe pourtant l’incompréhension, qui fait que je le perds. Fragile frontière.”

Oui, les frontières sont fragiles, aussi, entre ce que l’on pense d’un texte lorsqu’on le lit — les rêveries qu’il provoque –, et ce qu’on va en dire à son auteur, espérant pousser plus loin la dynamique d’invention de l’histoire. Plus loin : jusqu’à la prochaine étape ? Plus loin, jusqu’à ce que l’histoire entraîne d’elle-même son auteur vers son aboutissement.

“Apercevoir ce qu’on écrit, quelquefois. Délicieux mirage qu’on cherche à saisir et qui s’évapore presque aussitôt, ou plutôt se reforme, plus loin, pour inviter à y aller, pour voir ce qui s’y joue, dans ce plus loin. Il faut du temps, sans doute, d’où le temps pris pour cet accompagnement. Ce long, lent déroulé d’aspects divers du récit qui tous ont vocation à se rejoindre. Puzzle au départ. C’est inévitable.”

Peu à peu, j’ai assisté à la mise en forme de l’histoire qu’écrivait Christiane. Un personnage — Véronique — énigmatique, habité de rêves et de lectures. Un récit musical, dépliant de mystérieuses atmosphères. Une intrigue avançant en succession de tableaux.

“Ma Véronique m’a fait suer sang et eau. Je l’ai perdue cent fois, réinventée autant de fois, laissée filer plus loin, sans moi – aussi étrange que cela soit, quand on tente d’expliquer cela, c’est elle, ce n’est pas moi, qui sait où nous allons. Il faut faire confiance aux personnages qui surgissent en vous, un jour, qui vous sortent des lèvres, un matin, un soir, au milieu de la nuit, aux premières heures du matin. Ils savent mieux que moi ce que j’ai envie de raconter, ils viennent de plus loin. Ils attendent juste que je le comprenne. Ils ont le temps.”

Oui, elles existent bel et bien, les fondations du récit qui verra Véronique traverser les obstacles que la vie — et son style si singulier — ont dressé sur son parcours. Puisse l’écriture la mener, en son temps, à l’horizon de cette histoire.

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Écrire, transformer

“Au début, le chaos.

Une matière informe, très émotionnelle, des événements vécus sur lesquels je veux écrire. Des mots à crier. Des listes. Listes de souvenirs. Listes de lieux. Listes de phrases, elles surgissent, je les note dans des carnets. J’écris, j’écris sur le quotidien, les jours traversés, les événements dramatiques et le chagrin. C’est une matière sensible, douloureuse qui me brûle les doigts. Je souhaite la transformer en fiction pour me détacher, prendre de la distance tout en gardant une trace fidèle.”

Nous nous connaissons depuis longtemps, avec Francine. Cette année, elle a désiré suivre l’atelier Commencer un récit long par e-mail. Nous ne savions, ni elle, ni moi, où l’aventure nous conduirait.

“Au fil des propositions de Claire, la matière se transforme, se structure. Ses questions sur mes textes et ses retours me désarçonnent parfois. Je m’interroge. Me délester de cette matière vivante et douloureuse, est-ce suffisant ? Est-ce digne d’intérêt pour un.e autre que moi ? Au fil du temps, j’apprends à différencier ce qui sert la narration et ce qui est de l’ordre du commentaire, de « l’inutile ». J’essaie, je tâtonne, j’expérimente. Je reviens sur l’ouvrage, j’élague, je cisèle. Le chaos du début s’organise, une architecture du récit se dessine. Un chemin à suivre. Un but.”
Francine

J’ai souri lorsque, en fin de parcours, Francine m’a écrit que ce qu’elle avait le moins apprécié pendant l’atelier, c’était : « Quand j’ai compris qu’on ne peut pas écrire uniquement pour soi mais que l’on écrit pour l’autre : le lecteur. » Alors je me suis dit que oui, nous avions bien travaillé.

Écrire, “c’est la misère devenant fortune”, écrivait Michel Butor lorsqu’il cherchait comment répondre à la question Écrire, d’où ça vous vient ? (Ce très beau texte est lisible dans Répertoire 5, Les éditions de Minuit, 1982.)

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L’élan donné

Oui, sans doute s’agit-il de cela, donner l’élan d’écrire — sans doute est-ce à ce jeu que j’invite celles et ceux qui rejoignent mes ateliers.

Donner l’élan, donner un cadre aussi — qui permet de tracer progressivement les limites d’une histoire en inventant comment on va la raconter.

Dans l’atelier, on ne sait pas à l’avance où écrire nous entraînera mais on y va, texte après texte : on cherche et la pratique de l’écriture donne progressivement une forme concrète aux différents projets…

Quelle est l’histoire ? Qui sont les personnages ? Qui est le narrateur ? On commence, ensuite on précise ; on invente les personnages qui feront vivre l’histoire, on cherche comment le narrateur raconte l’histoire, on se demande aussi pourquoi il la raconte…

— Oui, il peut y avoir plusieurs narrateurs, mais alors qu’on les entende, que chaque voix vienne éclairer l’histoire selon son propre point de vue.

Toute histoire devient possible dans l’atelier et c’est heureux, on est dans le grand champ de la littérature, on découvre les espaces, les édifices construits par ceux qui nous précèdent, on s’approprie les outils — il arrive qu’on se donne un coup de marteau sur les doigts mais c’est le métier qui rentre, disait mon grand-père. Le vôtre aussi ?

Trois jours vivifiants, direz-vous en fin d’atelier. De bonnes ondes dans le groupe, un mélange harmonieux, paisible, l’ambiance propice, la bienveillante écoute. Oui, forts de ces relations soutenantes vous avez exploré, travaillé, essayé, construit, écouté, parlé des textes, trouvé de nouvelles pistes. Vous avez aussi défriché, nettoyé, fait le tri, trouvé des bords aux histoires que vous désiriez raconter. Vous avez résolu des dilemmes, rassemblé des bribes qui attendaient depuis plusieurs années, dessiné des chemins balisés pour la suite et trouvé la détermination de poursuivre. Tout ça, en trois jours — arpentant avec vitalité le grand champ de la littérature.

“Au fil des séances, les contours flous de mon histoire initiale ont trouvé une expression plus précise sous le projecteur puissant des méthodes de travail progressivement amenées avec beaucoup de talent.
Il suffisait d’oser.
Et, cerise sur le gâteau, les retours du groupe m’ont permis d’aller encore plus loin que je ne l’imaginais.”
Henri

“Six femmes, trois hommes, assis autour d’une table. Un peu d’inquiétude, une légère tension. Au bout de la table, Claire donne le la.
Des mots fusent, des phrases surgissent, des personnages s’invitent à la table, des chemins se croisent, des histoires s’écrivent. Et au bout de trois jours, on se prend à y croire à son histoire, on sourit.
Merci Claire ; merci à vous, mes compagnons de voyage.”
Solange

“C’est étrange de voir un personnage que l’on attendait pas émerger d’une proposition d’écriture, étrange et excitant de s’installer dans l’écriture d’une scène qui ne constituait qu’un micro-détail dans notre imagination mais qui décide avec aplomb de s’étirer dans l’histoire… Merci à vous, compagnons d’écriture, et merci à toi, Claire, pour l’intelligence et la bienveillance de ton écoute qui m’ont permis de redémarrer avec quelques calages en côte.”
Frédérique

“Une ébauche d’histoire, un lien familial, communication en panne, échecs, conflits.
Entamer un dialogue, ne pas lâcher, persévérer, se cabrer, se révolter.
A la rencontre de soi-même.
Dépasser le stade de l’ébauche, se fixer des objectifs, poser une trame, structurer le récit.”
Marc

“Plus de trois pages. Pour la première fois, ça fera plus de trois pages. Ça c’est lui. Le narrateur. Ce narrateur qui ressort toujours au fil des ateliers et des textes courts. Tour à tour homme ou femme. Je. Tu. Ou il. Selon. À différents âges de la vie.
Je vois maintenant que c’était lui, à chaque fois. Le point de convergence. Le point de convergence de ses incarnations était ici, hier, aujourd’hui. À l’atelier.
Désormais il a une voix. Il a une vie.”
Matthieu

“Cela faisait longtemps que je ne m’étais pas frottée à des contraintes aussi surprenantes qu’efficaces.”
Dominique

“Une risée en surface, un courant plus tiède sous les doigts, une zébrure bleue dans le gris des nuées, l’énergie des voix et des yeux autour, 3 jours, 2 nuits et, soudain là, un rivage pour abouter la langue et le projet.
Je m’échoue sur le sable, essoufflée, essorée, débarquée.
Les mots s’emmêlent dans les traversées.
Embarquée, je voulais dire.”
Anne

“L’idée était déjà là, calfeutrée dans un coin de ma tête. Elle sortait parfois par petits bouts sans que je puisse l’attraper. Se poser dans l’atelier durant ces trois jours a permis a mon idée de prendre corps. Sur le papier elle s’est d’abord étalée, j’ai pu alors la ramasser. Maintenant je dois la faire tenir dans un cahier. Pour cela, écrire, écrire, écrire, garder le cap.”
Sophie

“Retrouver l’atelier, après des années, avec Claire et avec vous, quel plaisir, quel élan !
Nos neuf romans, livres, textes, aventures avancent, pierre à pierre, ils s’élèvent, ensemble et séparés, joyeux de leur diversité.”
Brigitte

L’atelier Commencer un récit long existe désormais par e-mail

Chaufferie des imaginations

J’avais proposé de vous accompagner dans l’écriture de fictions.

Il s’agirait de la compagnie des livres qu’on aime, de notre goût partagé pour les intrigues, de chaufferie de l’imagination, de fabrique d’histoires.

Ensemble nous avons joué, vous avez cherché l’inspiration, inventé des personnages, des enjeux, des intrigues… Les techniques narratives ne nous ont pas fait perdre de vue qu’une histoire trouve sa force lorsqu’elle répond à une nécessité pour son auteur. Nous avons d’ailleurs commencé par cette question, le premier jour, avec Italo Calvino : sur quelle étagère et parmi quels autres romans le vôtre – celui que vous seriez seul(e) à pouvoir écrire – trouverait-il sa place ?

« Pour quoi écrit-on un roman ? (…) On écrit un livre afin qu’il puisse être placé à côté d’autres livres, pour qu’il entre sur une étagère hypothétique et, en y entrant, la modifie en quelque manière, chasse de leur place quelques volumes ou les fasse rétrograder au second rang, provoque l’avancement au premier rang de certains autres. »
Italo Calvino, La machine littérature.

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Nous avons retrouvé Italo Calvino deux jours plus tard (après combien de voyages en imagination ?), avec le principe du jeu combinatoire qu’il énonce dans La machine littérature.

Le processus de l’art est « analogue à celui du jeu de mots ; c’est le plaisir infantile du jeu combinatoire qui pousse le peintre à expérimenter certaines dispositions de lignes et de couleurs, et le poète à tenter certains rapprochements de mots ; à un moment donné, se déclenche le dispositif précis par lequel une des combinaisons obtenues (…) se charge d’une signification inattendue ou d’un effet imprévu, auxquels la conscience ne serait pas parvenue intentionnellement : une signification inconsciente, ou, du moins, la prémonition d’un sens inconscient. »

Avec lui, nous avons joué.

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La voix d’Italo Calvino était avec nous.

« Tout commença avec le premier conteur de la tribu.
Alors déjà, les hommes échangeaient des sons articulés, liés aux nécessités pratiques de la vie ; déjà existaient le dialogue, et les règles que le dialogue ne pouvait pas ne pas suivre ; telle était la vie de la tribu : un code de règles complexes sur lequel devait se modeler toute action et toute situation. Le nombre des mots était limité : aux prises avec le monde innombrable et multiforme, les hommes se défendaient en lui opposant un nombre fini de sons diversement combinés. De même, les comportements, les usages, les gestes étaient précisément déterminés, et toujours répétés, dans la récolte des noix de cocos ou des racines sauvages, dans la chasse au buffle ou au lion, dans le choix d’une femme – qui créait de nouveaux liens de parentèle hors du clan –, dans l’initiation à la vie et à la mort. »

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« Le conteur se mit à proférer des mots, non point pour que les autres lui répondent par d’autres mots prévisibles, mais pour expérimenter jusqu’à quel point les mots pouvaient se combiner l’un avec l’autre, s’engendrer l’un l’autre (…). Le narrateur ne disposait que d’un petit nombre de mots : jaguar, coyote, toucan, pirana, ou bien fils, beau-père, oncle, femme, mère sœur, bru ; les actions que ces êtres pouvaient accomplir étaient tout aussi limitées : naître, mourir, s’accoupler, dormir, pêcher, chasser, grimper sur les arbres, creuser des tanières dans le sol, manger, déféquer, fumer des fibres végétales, interdire, transgresser les interdits, offrir ou voler des objets ou des fruits – objets et fruits classables à leur tour selon un catalogue limité. »

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« Le narrateur explorait les possibilités implicites de son langage, en combinant et permutant les êtres, les actions et les objets sur lesquels ces actions pouvaient s’exercer ; il en naissait des histoires, des constructions linéaires qui présentaient toujours des correspondances, des oppositions : le ciel et la terre, l’eau et le feu, les animaux qui volent et ceux qui creusent leur gîte, chaque terme ayant son cortège d’attributs, son répertoire d’actions. Le déroulement des histoires permettait certaines relations entre les éléments et en excluait d’autres, certaines successions et non d’autres : l’interdit devait précéder la transgression, la punition devait la suivre ; le don des objets magiques devait venir avant l’affrontement des épreuves. Le monde fixe qui entourait jusque là l’homme de la tribu – constellé de signes établissant des correspondances fugitives entre les mots et les choses – s’animait à la voix du narrateur, s’ordonnait dans le flux du récit-discours, à l’intérieur duquel chaque mot acquérait de nouvelles valeurs, qu’il transmettait aux idées et aux images qu’il désignait ; tout animal, tout objet, tout rapport acquérait des pouvoirs bénéfiques ou maléfiques, des pouvoirs qu’on dira magiques et qu’on pourrait plutôt appeler pouvoir narratifs : potentialité que détient le mot, faculté de se lier à d’autres mots dans le champ du discours. »
Italo Calvino, La machine littérature.

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Pendant quatre jours vous avez écrit, nous avons joué – combien avons-nous voyagé ?
Nous quittant, le dernier soir, habitées de toutes ces histoires inventées et partagées, nous n’étions plus les mêmes.