Chantiers en cours

J’avais raconté, en octobre, les esquisses d’histoires qu’on avait récoltées, alors qu’on ouvrait l’atelier Chantiers.

Neuf mois et neuf séances d’ateliers plus tard, les esquisses sont devenues des chantiers, ils sont en cours.

Chaque auteur a fait avancer l’écriture, étape après étape, en dialogue avec les lecteurs du groupe qui ont pris soin des histoires qu’ils voyaient avancer, chaque mois. Avec tact et bienveillance, les lecteurs témoignaient de leur intérêt pour ce qui avait progressé, et de leur curiosité pour ce qui viendrait ensuite, que ni l’auteur ni les lecteurs ne connaissaient encore — ce nouveau fragment, ou ce nouveau point de vue, ou ce nouveau rebondissement, ou ce nouveau trait de caractère, ou cette nouvelle énigme… qui naîtraient d’ici la séance suivante.

J’écoutais Marie Darrieussecq, le 12 juin 2018 à la BNF, interviewée dans le cadre des Masterclasses de France Culture. Elle y parlait de quatre romans qu’elle avait écrits avant le très grand succès de Truismes, quatre romans qui n’avaient pas trouvé d’éditeur. Elle disait que, si écrire ces premiers romans avait été important pour elle à l’époque, elle savait, aujourd’hui – une vingtaine de romans publiés plus tard –, que ces livres n’étaient pas suffisamment adressés. Certes, ils étaient adressés à elle même – écrits pour comprendre une expérience ou régler des comptes… –, mais pas adressés à un public.

Dans l’atelier Chantiers, l’écriture est adressée aux lecteurs du groupe. Ces lecteurs lisent les textes écrits entre deux séances, puis ils témoignent de leur lecture lorsque le groupe se retrouve. C’est si précieux, d’être lu lorsqu’on écrit. De l’être par des lecteurs qui sauront dire autre chose que j’aime ou je n’aime pas ; des lecteurs qui ont appris à parler de textes en cours, à désigner ce qui est en germe dans un texte, à dire leur curiosité pour un personnage, pour une histoire, à montrer les zones d’ombre, les endroits où le lecteur se trouve perdu… Ainsi l’écriture est-elle dynamisée, dans l’atelier Chantiers, par l’adresse aux lecteurs du groupe.

Il y a aussi les propositions d’écriture, bien sûr. Construire une histoire, faire vivre et progresser des personnages, chercher comment raconter l’histoire… tel a été le travail, pas à pas, de cette année. Tel sera celui de la deuxième année, qui verra se renforcer la dynamique interne d’évolution de personnages aussi différents, croyez-moi, les uns des autres que nous le sommes, vous et moi.

Mais écoutez-les plutôt parler, eux, les auteurs du groupe, de leur expérience.

« Revenir vers ce qu’on a planté en juillet 2017 lors de l’atelier Commencer un récit long
L’atelier, son rythme mensuel, l’attente des lecteurs de mes textes, ces commandes-là, me motivent chaque mois à revenir au texte, à l’avancer un peu, en espérant ce moment où je le laisserai envahir toute ma vie !
Je suis assez fière de ma petite plantation, elle n’est pas encore remarquable, mais elle est bien vivante et cette sensation de fierté est agréable et nouvelle. Retrouver mes amis-lecteurs-écrivains, leurs textes, leurs aventures, leurs personnages est en soi une joie…
Ce voyage en bonne compagnie de plusieurs mois, est un encouragement magnifique à vivre son écriture, l’interroger, l’enrichir… »
Brigitte

« L’atelier : une table, sept personnes, du papier, des lignes, des écritures, des personnages qui s’invitent aussi, que l’écriture et notre imaginaire font naître, poussés par leurs désirs, leurs difficultés, leurs rencontres… Les nôtres, mensuelles, redoutées à l’approche de la deadline, savourées lors des partages, les nourrissent de nouveaux potentiels, les recadrent, les bousculent et interrogent. Cette invitation à entrer dans des écritures autres et des voix qui sont maintenant bien présentes et qu’on ne veut pas perdre, c’est tout cela, l’atelier. »
Odile

« Le chantier ? Une année qu’on ne voit pas passer. Il faut dire que, face à douze yeux et douze oreilles braqués sur eux, les personnages filent doux et bon train.
Une année qu’on ne voit pas passer, mais qu’on entend passer. Car ça y est, maintenant on entend les voix des personnages et aussi les moments où elles se perdent.
Le chantier ? Une polyphonie qui porte. »
Anne

« C’est l’histoire d’un personnage qui au début se morfond, s’interroge, se demande où aller. Et lorsqu’il choisit une direction, il se demande en permanence s’il a fait le bon choix. Il marche en se questionnant, mais il marche. Et c’est en marchant qu’il fait des rencontres. Car régulièrement apparaissent de nouveaux personnages. Ceux-ci n’existaient pas quelques minutes avant dans la pensée de l’auteur, mais une fois créés, une fois posés sur le chemin, ils prennent vie et interagissent avec le personnage principal. De virages en croisements, le héros suit son chemin, en se posant de moins en moins de questions. Il n’a pour autant acquis aucune certitude. Ce qu’il a gagné, c’est de la confiance, la confiance dans l’échange, dans l’issue de la rencontre.
C’est l’histoire de mon personnage et c’est la mienne depuis que je participe à ces ateliers. »
Philippe

« Je savais que raconter la mission d’une semaine, dans un pays du Sahel en pleine sécheresse, soumis à des tensions politiques, avec dix chercheurs agronomes et une journaliste déjantée, n’allait pas être un voyage de tout repos. Imaginez ce microcosme où tout est en survie, personnages, environnement et pays !
Je craignais d’avoir à ramener à l’aéroport certains de mes lecteurs de cet atelier Chantiers, suppliant de rentrer chez eux et de quitter l’Afrique, les chercheurs bougons qui ne parlent qu’aux arbres, les cafards sous le lit, la soif, les arbres et leurs défenses face à la sécheresse, la lutte contre le désert, les menaces de coup d’état… et les deux personnages principaux qui n’arrêtent pas de se chamailler !
Neuf mois plus tard : mes gentils lecteurs de l’atelier ont tenu le coup et m’ont éclairée par leurs demandes de précisions, d’éclaircissements. Merci à eux et à Claire qui a permis cette tournée en brousse à six. »
Florence

« Il était une fois…
Nous avons continué l’histoire chacun à notre façon, chacun à notre rythme, forts de nos personnages, lieux, situations, nés de nos rêves, de nos expériences.
Une belle aventure à six, sous le regard et avec l’écoute de Claire, un chemin ouvert qui nous a permis d’avancer dans l’écriture et de dégager d’autres perspectives. »
Solange

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L’élan donné

Oui, sans doute s’agit-il de cela, donner l’élan d’écrire — sans doute est-ce à ce jeu que j’invite celles et ceux qui rejoignent mes ateliers.

Donner l’élan, donner un cadre aussi — qui permet de tracer progressivement les limites d’une histoire en inventant comment on va la raconter.

Dans l’atelier, on ne sait pas à l’avance où écrire nous entraînera mais on y va, texte après texte : on cherche et la pratique de l’écriture donne progressivement une forme concrète aux différents projets…

Quelle est l’histoire ? Qui sont les personnages ? Qui est le narrateur ? On commence, ensuite on précise ; on invente les personnages qui feront vivre l’histoire, on cherche comment le narrateur raconte l’histoire, on se demande aussi pourquoi il la raconte…

— Oui, il peut y avoir plusieurs narrateurs, mais alors qu’on les entende, que chaque voix vienne éclairer l’histoire selon son propre point de vue.

Toute histoire devient possible dans l’atelier et c’est heureux, on est dans le grand champ de la littérature, on découvre les espaces, les édifices construits par ceux qui nous précèdent, on s’approprie les outils — il arrive qu’on se donne un coup de marteau sur les doigts mais c’est le métier qui rentre, disait mon grand-père. Le vôtre aussi ?

Trois jours vivifiants, direz-vous en fin d’atelier. De bonnes ondes dans le groupe, un mélange harmonieux, paisible, l’ambiance propice, la bienveillante écoute. Oui, forts de ces relations soutenantes vous avez exploré, travaillé, essayé, construit, écouté, parlé des textes, trouvé de nouvelles pistes. Vous avez aussi défriché, nettoyé, fait le tri, trouvé des bords aux histoires que vous désiriez raconter. Vous avez résolu des dilemmes, rassemblé des bribes qui attendaient depuis plusieurs années, dessiné des chemins balisés pour la suite et trouvé la détermination de poursuivre. Tout ça, en trois jours — arpentant avec vitalité le grand champ de la littérature.

« Au fil des séances, les contours flous de mon histoire initiale ont trouvé une expression plus précise sous le projecteur puissant des méthodes de travail progressivement amenées avec beaucoup de talent.
Il suffisait d’oser.
Et, cerise sur le gâteau, les retours du groupe m’ont permis d’aller encore plus loin que je ne l’imaginais. »
Henri

« Six femmes, trois hommes, assis autour d’une table. Un peu d’inquiétude, une légère tension. Au bout de la table, Claire donne le la.
Des mots fusent, des phrases surgissent, des personnages s’invitent à la table, des chemins se croisent, des histoires s’écrivent. Et au bout de trois jours, on se prend à y croire à son histoire, on sourit.
Merci Claire ; merci à vous, mes compagnons de voyage. »
Solange

« C’est étrange de voir un personnage que l’on attendait pas émerger d’une proposition d’écriture, étrange et excitant de s’installer dans l’écriture d’une scène qui ne constituait qu’un micro-détail dans notre imagination mais qui décide avec aplomb de s’étirer dans l’histoire… Merci à vous, compagnons d’écriture, et merci à toi, Claire, pour l’intelligence et la bienveillance de ton écoute qui m’ont permis de redémarrer avec quelques calages en côte. »
Frédérique

« Une ébauche d’histoire, un lien familial, communication en panne, échecs, conflits.
Entamer un dialogue, ne pas lâcher, persévérer, se cabrer, se révolter.
A la rencontre de soi-même.
Dépasser le stade de l’ébauche, se fixer des objectifs, poser une trame, structurer le récit. »
Marc

« Plus de trois pages. Pour la première fois, ça fera plus de trois pages. Ça c’est lui. Le narrateur. Ce narrateur qui ressort toujours au fil des ateliers et des textes courts. Tour à tour homme ou femme. Je. Tu. Ou il. Selon. À différents âges de la vie.
Je vois maintenant que c’était lui, à chaque fois. Le point de convergence. Le point de convergence de ses incarnations était ici, hier, aujourd’hui. À l’atelier.
Désormais il a une voix. Il a une vie. »
Matthieu

« Cela faisait longtemps que je ne m’étais pas frottée à des contraintes aussi surprenantes qu’efficaces. »
Dominique

« Une risée en surface, un courant plus tiède sous les doigts, une zébrure bleue dans le gris des nuées, l’énergie des voix et des yeux autour, 3 jours, 2 nuits et, soudain là, un rivage pour abouter la langue et le projet.
Je m’échoue sur le sable, essoufflée, essorée, débarquée.
Les mots s’emmêlent dans les traversées.
Embarquée, je voulais dire. »
Anne

« L’idée était déjà là, calfeutrée dans un coin de ma tête. Elle sortait parfois par petits bouts sans que je puisse l’attraper. Se poser dans l’atelier durant ces trois jours a permis a mon idée de prendre corps. Sur le papier elle s’est d’abord étalée, j’ai pu alors la ramasser. Maintenant je dois la faire tenir dans un cahier. Pour cela, écrire, écrire, écrire, garder le cap. »
Sophie

« Retrouver l’atelier, après des années, avec Claire et avec vous, quel plaisir, quel élan !
Nos neuf romans, livres, textes, aventures avancent, pierre à pierre, ils s’élèvent, ensemble et séparés, joyeux de leur diversité. »
Brigitte

L’atelier Commencer un récit long existe désormais par e-mail