Nous écrivons dans un écrin d’arbres et de fleurs. Un rossignol a trouvé le figuier, il proclame la venue des amours le jour comme la nuit.
Je commence par lire des extraits d’un ouvrage trouvé dans la bibliothèque d’Adeline Yzac,
Écrire, pourquoi ?
Puis, après avoir exploré — le premier jour — comment les petites formes permettent de saisir des éclats du monde, nous consacrons cette deuxième journée à un autre champ source de l’écriture : l’autobiographie. Comment les objets — ou les vêtements — qui accompagnent ou traversent une vie, peuvent-ils la dire ?
J’ai avec moi deux ouvrages. L’Autobiographie des objets, de François Bon ; et Dressing, de Jane Sautière.
Dans Autobiographie des objets, François Bon convoque les souvenirs d’une enfance en Vendée, près de l’océan. Les objets éveillent des fragments de mémoire et nous font découvrir les paysages premiers de celui qui écrit « j’appartiens à un monde disparu. » Entre deux mondes — le monde de la terre et des livres, celui de la mer et de la mécanique — se dessine un portrait mosaïque de l’auteur et d’une époque révolue.
“Il a vécu le passage du réel qui rouillait dans un champ au virtuel qui inonde le monde.” (Christian Garcin)
Après la parution de son livre François Bon en poursuit l’écriture sur Tiers livre, par une suite dite compléments, extensions. J’utilise cette liste — premier geste invitant à entrer en écriture — dans l’atelier comme ouverture.
« Autobiographie des objets | compléments, extensions
- les cigarettes en chocolat
- la Vierge qui dit le beau temps
- culbuto
- anti monte-lait
- Gauloises volées
- boussole
- pommes, poires et scoubidous
- dans de beaux draps
- cirage Kiwi
- Jeu des Mille Bornes
- le carton de partitions
- l’accroche-volets
- les bons points de Georges Perec
- souvenir d’un Kodak à soufflet
- fichues lunettes, lunettes fichues »
Chaque élément de la liste est ensuite déplié en un texte bref, qu’on peut lire ici.
« 29 – dans de beaux draps
Cela vous tombe encore dans les mains parfois au hasard d’un repassage du lundi, un de ces torchons épais et indestructibles, raides à la main, presque rugueux, avec deux initiales en broderie dans l’angle. Tout le reste s’est effiloché à mesure des maisons changées, des villes parcourues. Alors, le repliant d’un coup de fer, ce sont ces vieilles armoires qui s’ouvrent, avec leurs billes de naphtaline anti-mites, et ces hautes piles verticales et rangées, qui servaient aussi probablement de coffre-fort et de remise à secrets. (…) »
Avec Dressing, de Jane Sautière, il ne s’agit plus d’esquisser une vie par les objets qui la peuplent mais du compagnonnage des vêtements.
Sensualité d’une soie sur la peau… une paire de chaussures jaunes taillées sur mesure réveille les jeunes années à Phnom Penh et l’habileté de copiste des cordonniers khmers… un deuil fait renouer avec les origines bretonnes et brodeuses de la grand-mère maternelle…
Entre remémoration et pensées sur ce que nous sommes — que nous ne serons plus –, se dessine le récit en creux d’une vie de femme. Chaque vêtement en délivre une trace, tout comme un corps imprime ses formes aux matières qui l’enveloppent ou le dévoilent.
« La variété infinie des cotonnades : serges raides et luisantes, cotonnades épaisses et lourdes, voiles de coton, éponge, crêpe, étamine, jersey. Leur odeur également, plus ou moins acide, parfois confondue dans les pays de coton avec le corps même ; il y a une odeur de cotonnade qui me vient d’Iran, très proche de l’odeur de safran, quand je la retrouve le cœur chavire.
En crêpe de Chine rouge, très serrée, manches longues, décolleté rond, courte. Robe de fête au Cambodge, quinze ou seize ans. Comprendre que ce n’est pas en montrant qu’on séduit. Ni en cachant, d’ailleurs. Ce n’est pas voir qui compte, c’est laisser deviner, donner cette chance à l’imagination, de fendre le vêtement par le désir plus que par le regard. »
Sylvie mettra ses pas dans ceux de Jane Sautière et renoue, à travers son amour pour les toques, avec ses ancêtres cosaques.
Carmen suivra les sillons creusés par François Bon et se souvient des objets qui nous accompagnent et qu’on retrouve dans la solitude de l’après rupture.
Guylaine retrouvera, avec le toucher d’un galet, l’expérience de la banquise sous le bruit permanent du vent.
La nature paisible est une grande source d’inspiration.
Les promenades en forêt m’ont toujours donné une inspiration très dense. J’ai fait cette expérience en écrivant mon roman “Le Bruit de L’héritage” (Ed.ndze. 2001)