Espèce d’espace

C’est avec Georges Perec que vous écrivez, ce samedi aux Buttes Chaumont, pour tenter de saisir un peu de la vérité de ce lieu où nous nous retrouvons pour la deuxième fois.

Avec Georges Perec et sa recherche sur l’espace

55 avec perec56 avec perec57 avec perec

Avec Georges Perec et son travail sur l’infra-ordinaire (vous pouvez découvrir l’intégralité du texte dans cet hommage signé remue.net) :

Approches de quoi ?

« Les journaux m’ennuient, ils ne m’apprennent rien ; ce qu’ils racontent (…) ne répond pas aux questions que je pose ou que je voudrais poser.
Ce qui se passe vraiment, ce que nous vivons, le reste, tout le reste, où est-il ? Ce qui se passe chaque jour, le banal, le quotidien, l’évident, l’ordinaire, l’infra-ordinaire, le bruit de fond, l’habituel, comment en rendre compte, comment l’interroger, comment le décrire ?
(…)
Interroger ce qui semble tellement aller de soi que nous en avons oublié l’origine. Retrouver quelque chose de l’étonnement que pouvaient éprouver Jules Verne ou ses lecteurs en face d’un appareil capable de reproduire et de transformer les sons. Car il a existé, cet étonnement, et des milliers d’autres, et ce sont eux qui nous ont modelés.
(…)
Il m’importe peu que ces questions soient, ici, fragmentaires, à peine indicatives d’une méthode, tout au plus d’un projet. Il m’importe beaucoup qu’elles semblent triviales et futiles : c’est précisément ce qui les rend tout aussi, sinon plus, essentielles que tant d’autres au travers desquelles nous avons vainement tenté de capter notre vérité. »

Approches de quoi ?

Quelques fragments d’espace cueillis par vous cet après-midi-là :

« Des grappes de passants par dizaines.
La nature qui semble s’effacer devant cet envahissement. L’herbe est douce, verte, accueillante et désordonnée. Au loin, un groupe de gens s’attarde sur la passerelle étroite.
Le parc des Buttes Chaumont, ce sont aussi des couleurs, des effluves discrètes. L’herbe fraîche, la sueur, le vin. Le parc des Buttes Chaumont, c’est une mosaïque humaine et des origines diverses, un parfum de jeunesse et de nonchalance.
Comme cet homme qui s’expose, sans gêne, repu de soleil.
Ce doit être le cèdre du Liban où les jeunes gens qu’il abrite avec bienveillance.
Il me semble, l’espace d’un instant, que je me trouve sur un campus Californien, pas très loin du Japanese garden.
Ça se bécote, ça complote et ça s’embrasse dans toutes les langues.
C’est ça le charme des Buttes Chaumont, être ici et ailleurs. »
Léa

buttes 8buttes 4

« Des chiens jappent en toute liberté, balayant l’air d’une queue enthousiaste. Ce que cherchent les parisiens et leurs touristes est là : déambuler à son rythme, s’asseoir au frais ou en plein cagnard seul ou en groupe ; amener le chien en balade, mamie en fauteuil roulant ou bébé en poussette ; immortaliser le mariage du samedi par des photos réussies… Les enfants du samedi pédalent, patinent sans heurts sous la surveillance distraite des parents. Une femme s’allonge sur un banc, son voisin aveugle se tient droit, les mains appuyées sur la canne blanche verticale.
Et toujours, partout, les arbres aux noms et provenances multiples. Les troncs monumentaux et les sous-bois en plein Paris.
Ne plus entendre la ville, profiter de la chanson des oiseaux ou du murmure limpide de la cascade. Tout est là. »
Brigitte

« Ce qui m’empêche de profiter de la beauté de ce parc, ce sont ces promeneurs qui arpentent les allées, bavards polyglottes, belles au regard protégé de verres fumés à l’affût de celui, admiratif, des garçons croisés, couples enlacés, étrangers à ce qui les entoure, touristes affublés de sacs à dos et de caméras, solitaires en chasse, familles bruyantes d’enfants éparpillés, processions qui se déroulent sans but affiché.
Mais par-dessus tout, ce sont les bruits, timbres de voix fugaces, accents étrangers, mots perdus portés par le vent qui s’accordent avec le babillage des oiseaux, le grognement de la ville toute proche et la grosse caisse qui rythme les pas. Cette cacophonie vient se heurter au silence immobile des arbres.
À leur densité répondent ces amas bigarrés de la grouillante humanité qui occupe tous les espaces, taches mouvantes et lumineuses sur fond de verdure. »
Lisette

buttes 3buttes 9

« Des vélos, des trottinettes, des poussettes, des rollers, et même des caddies et des promeneurs qui s’entrecroisent dans une improbable chorégraphie.
Du français accroché, de l’arabe décliné de milles musicalités, du chinois, de l’espagnol, du russe, du polonais et toute la suite en langues de l’est majeur : concert d’espérance.
En un carré d’herbe, le monde. »
Annpôl

buttes 7buttes 2buttes 5

« Regarder autour de moi.
Je dérive de suite dans le mouvement ou l’immobilité des visiteurs. Et passerai plus d’une vingtaine de minutes en cet endroit, hypnotisée par la grande pelouse parsemée de corps de toutes couleurs, dans toutes les positions, et emportée par le tourbillon des visiteurs. Arrivant tout juste à noter ce qui arrive et m’arrive. Envahie de visions et de sensations. Je tiens bon, le crayon suit comme il peut. Je sens encore sa vitesse ! J’essaie de tout noter. La tête va et vient entre ce que je vois et mon cahier. »
B.

Laisser un commentaire