Que la puissance soit celle de la douceur

Ce satané coronavirus nous aurait-il permis de comprendre la nécessité de prendre soin de l’autre et d’être là, à ses côtés, dans le temps de l’amour, des liens de compagnonnage, de filiation, d’amitié, de travail ?

Être là, aux côtés de l’autre…
“La douceur nous visite. Nous ne la manipulons ni ne la possédons jamais. Il faut accepter d’entrer dans ses marées, de parcourir ses chemins creux, de se perdre pour que quelque chose d’inédit survienne”, écrivait Anne Dufourmantelle dans Puissance de la douceur — livre dont le souvenir m’a donné sa lumière au moment où je me demandais ce qu’il serait bien possible de se souhaiter, après cette année éprouvante pour certains, épouvantable pour d’autres.

« J’ai voulu montrer que la douceur était aussi une puissance, une dynamique, une vraie force qui accompagne et porte la vie », disait Anne Dufourmantelle lorsqu’elle parlait de Puissance de la douceur. Anne Dufourmantelle, psychanalyste, philosophe et écrivaine, disait qu’une question traversait ses livres, celle du passage entre la fatalité et la liberté, celle de ces moments de conversion et de retournement, de métamorphose, qui font qu’une vie, à un moment s’ouvre à la liberté.

Puissance de la douceur
Sa pensée bienveillante et audacieuse, Anne nous la transmet dans ce livre où elle raconte que la douceur est une force de résistance à l’oppression, une réserve de combat, mais aussi d’invention ; un autre chemin vers la possibilité d’un dire oui à la vie. Paroles précieuses en ces temps où les confinements nous privent de nos libertés et de la présence de celles et ceux qui comptent, que nous aimons.

Prendre soin

    Faire les gestes appropriés pour endiguer la maladie, refermer la plaie, apaiser la douleur : le soin est associé depuis le début de l’humanité à la douceur. Il exprime l’intention du bien, de ce qui est donné par-delà l’acte médical ou la substance analgésique. […] La douceur suffit-elle à guérir ? Elle ne se munit d’aucun pouvoir, d’aucun savoir. L’appréhension de la vulnérabilité d’autrui ne peut se passer pour un sujet de la reconnaissance de sa propre fragilité. Cette acceptation a une force, elle fait de la douceur un degré plus haut, dans la compassion, que le simple soin. Compatir, « souffrir avec », c’est éprouver avec l’autre ce qu’il éprouve, sans y céder. C’est pouvoir se laisser entamer par autrui, son chagrin ou sa douleur, et contenir cette douleur en la portant ailleurs.”

Porter la douleur ailleurs. Apaiser. Transformer. Comment transformerons-nous, en 2021, le désarroi que le coronavirus abattit sur notre humanité en tranchant net le tissu de nos relations par peur des contaminations ?

    “De l’animalité la douceur garde l’instinct, de l’enfance l’énigme, de la prière l’apaisement, de la nature, l’imprévisibilité, de la lumière, la lumière.”

La lumière, je la trouve dans ses livres dont j’ai parlé ici lorsque j’appris la mort accidentelle d’Anne Dufourmantelle. J’ai plus tard désiré transmettre le vivant désir qui me parvenait par la parole dans ses livres, et conçu un atelier qui invitait à écrire en dialogue avec son œuvre. Un si bel atelier.

Faire vivre la parole fragile des êtres humains. Chercher ensemble les chemins d’un dire oui à la vie, malgré les confinements, malgré la peur. Retourner aux livres d’Anne et ouvrir à nouveau un espace où les paroles circulent, entre lectures et écritures, soutenues par cette belle écoute des textes écrits en ateliers – qui est l’une des figures de la puissance de la douceur.

De la douceur, préservons ensemble la force et la lumière, en 2021.

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