Le voyez-vous, le petit livre à gauche au-dessus de la pile de ceux qui m’ont tenu compagnie pendant l’été ?
La lecture nous mène sur le chemin de la vie et permet chaque jour de vivre autrement, de vivre plus, lit-on sur la quatrième de couverture de Lire c’est vivre plus, qui rassemble les contributions de David Collin, Christian Garcin, Françoise Gaudry, Alberto Manguel, Claude Margat, Lambert Schlechter, Catherine Ternaux, sous la direction de Claude Chambard. Editions l’Escampette, juin 2015. (Vous voyez son prix sur la photo ? 2 € !)
J’ouvre pour vous quelques pages de ce petit livre qu’il faut de toute urgence faire passer à vos amis lecteurs – un ouvrage à plusieurs voix, entre les auteurs écrivant dans le livre et les auteurs qu’ils citent, comme ici :
- « Privé de lecture, je serais réduit à n’être que ce que je suis. »
JB Pontalis dans “L’Enfant des limbes”, cité par François Gaudry.
… et les auteurs donnant en partage leur passion pour le livre et la lecture.
- « Quelques livres ont suffisamment marqué ma vie et influencé son parcours pour que je pense à les emporter dans ma tombe. Ils me serviront d’ailes. »
Claude Margat.
Je continue ?
- « Le texte comme absolue exception parmi les préoccupations des hommes, le geste d’ouvrir un livre : irréparable invisible inexistant, l’activité de lire n’a presque jamais eu lieu, il faut chasser le gibier, labourer la terre, puiser de l’eau, il faut sauver sa peau, il fut de jour en jour survivre, il y a le soleil qui brûle, il y a la terre qui gèle, il faut ramasser du bois, il faut essayer de faire du feu, il faut se protéger contre la pluie, être chaque matin à son poste, faire ses courses, de temps en temps un rapide coït, et tourne le manège frénétique des naissances ; des décès, il faut enterrer les morts, et des paroles circulent, aussitôt dissoutes, les corps s’immobilisent, les corps pourrissent, au XVII° siècle, pendant la nuit, Spinoza écrit son livre, quelques-uns au cours des siècles feront le geste d’ouvrir son livre, quelques uns passeront des heures ; des heures devant ses pages, pendant que tourne, effréné, le manège des naissances ; des décès. »
Lambert Schlechter
« Chaque époque engendre ses monstres, qui sont ennemis de la pensée, de la réflexion, de la bienveillance et de la compréhension. Les monstres aujourd’hui, ce sont les puissances économiques froides et destructrices, la financiarisation du monde, la technolâtrie béate, le libéralisme mondialisé, les folies identitaires et religieuses. La lecture est une mise à l’écart provisoire de tout cela, un reflux de l’hostilité du monde, une manière de fourbir nos armes par l’étude et la compréhension, le partage et l’intuition, l’émerveillement et la résistance, le silence et la construction de soi. »
Christian Garcin
« Je pense qu’on ne devrait lire que des livres qui nous mordent et cognent. Si le livre que nous lisons ne nous réveille pas avec un coup de poing sur le crâne, pourquoi le lisons-nous ? Un livre doit être la hache pour la mer gelée en nous »,
écrit Kafka dans une Lettre à Oskar Pollak en 1904, ici cité par Lambert Schlechter.
Suivant la piste ouverte par Kafka, j’ajoute ma touche à Lire c’est vivre plus en vous invitant à découvrir la merveille parue chez Verdier en avril 2015, Prendre dates, Paris, 6 janvier – 14 janvier 2105, écrit par Patrick Boucheron et Mathieu Riboulet, rencontrés pendant l’été au Banquet du livre de Lagrasse. La « mer gelée » attaquée en nous par la hache qu’est ce livre, ce sont les dix-sept corps assassinés et les trois corps assassins, à Paris, en janvier 2015 — le silence qui déjà recouvre ces événements de l’hiver. Le livre est « une contribution, avant que l’histoire ne se fige et que les pages se tournent », un livre écrit à quatre mains pour répondre à l’absolue nécessité d’en passer par le langage pour remettre de l’humain sur ce qui, il y a si peu de temps encore, provoqua notre sidération.
Avant de vous quitter pour replonger dans les pages d’un autre de ces livres qui m’accompagna pendant l’été, Pèlerinage à tinker creek, d’Annie Dillard – trouvé lui aussi à Lagrasse parce qu’une amie de passage, lectrice américaine, me dit que c’était le plus beau de tous les livres qu’elle avait lus –, (Annie Dillard, dont j’ai publié quelques passages ici, de En lisant en écrivant), avant de retourner, donc, dans ce livre écrit par une femme qui s’isola dans les montagnes de Virginie après avoir réchappé d’une pneumonie qui avait menacé sa vie, avant de retrouver les dernières pages de ce bonheur d’observer grâce à elle la nature et de comprendre ce que la regarder dans ses plus petits détails nous dit de la vie et de la place de l’humain dans le monde – entre l’infiniment grand et l’infiniment petit…
… avant, donc, de vous quitter, voici David Collin et les liens qu’il fait entre écrire et lire et voyager dans Lire c’est vivre plus :
« Des pans entiers de notre imaginaire, dont nous ne soupçonnons pas l’existence, se révèlent dans la lecture telles les chambres secrètes d’un palais rêvé. Et captés par le mouvement de la lecture, emporté par notre adhésion au texte, par notre absorption entre les lignes du roman, nous déplions ces mondes, nous leur donnons vie.
Nos expériences de vie ne suffisent pas à vivre toutes les vies que nous aimerions vivre. (…) La littérature répond aux questions que nous n’osions pas nous poser, en pose de nouvelles, agrandit nos territoires intérieurs, élargit nos horizons. Le lointain est aussi à l’intérieur de nous. C’est sans doute pourquoi voyager, lire et écrire, vont si bien ensemble. »
David Collin
Merci Claire, aussitôt vu, sur la gauche, et aussitôt commandé, ce petit livre qui semble rempli de promesses… J’ai, quant à moi, passé du temps estival en la très belle compagnie du livre “Voix off” de Denis Podalydès et plongé avec plaisir dans sa tendre polyphonie.
“Voix des livres
Dans les trains, les bus, les métros, dans la rue, je redoute le manque de livres. Je ne peux imaginer de ne faire que penser, regarder les autres, regarder par les fenêtres, regarder le monde, marcher, aller. Il me manque toujours de lire, lire. Je pousse le songe de lecture jusqu’à la limite. J’ai l’impression de rêver si fort, découvrant un grand livre, que cela s’entend, s’agite dans l’air, excède les pages, les tempes, le crâne, et se matérialise devant moi”.
Oh, merci chère Emmanuelle pour cette belle citation d’un livre que j’avais aimé proposer comme source d’inspiration dans l’atelier “Voix contemporaines”.
Oui, que serions-nous sans les livres ?
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