Pourquoi le mot « abri » s’impose-t-il avec une belle évidence alors que je suis en repérage dans le petit parc de Belleville
où nous nous retrouverons pour écrire, après quatre samedis aux Buttes Chaumont ?
Abri, nid, hutte… Quelles cabanes construites autrefois me font aujourd’hui élire ce jardin comme un possible coin du monde ?
Bachelard est sans nul doute avec moi lorsque naît l’idée de cette proposition d’écriture : des personnages traversent ce jardin, y cherchent un abri… Qui sont-ils, d’où viennent-ils, que cachent-ils, que cherchent-ils ?
Quête, disparition, oubli…
L’actualité littéraire conduit mes rêveries vers Modiano, ses personnages en recherche d’identité, les secrets, les enquêtes, les vies en fuite, l’espoir de retrouver un jour ceux qu’on a perdus dans le passé…
« En avançant de plus en plus loin dans l’oubli, donc dans la trace, donc dans la précision maniaque, Modiano s’est fait cartographe. »
« Les romans de Modiano sont pleins de noms de rue, de lieux, de stations de métros, d’hôtels. » Les noms de rues deviennent une sorte de grammaire romanesque, ils tressent dans Paris des réseaux de cheminements intimes, de quêtes.
Détective du passé, voguant dans ses souvenirs, l’oubli accompagne la dérive des personnages dans la ville — personnages toujours entre deux quartiers, entre deux vies.
L’idée de la proposition se précise : différents plans du jardin et du quartier déterminent le territoire des récits. Un plan ancien figure la présence du passé. Il peut inspirer un secret pour l’un des personnages qui traversent le parc, ou l’objet d’une quête qui le pousserait à devenir « détective du passé », comme Modiano.
Le texte suit l’un des personnages dans son trajet à travers le quartier puis le jardin, vers l’endroit qui, pour lui, fait « abri »… D’autres personnages ? D’autres trajets vers d’autres abris ? Les personnages se rencontrent-ils ? Se sont-ils connus autrefois ? S’étaient-ils perdus de vue ?
Assis sur la pente, sous un rude soleil d’automne qui embellit la vue, Paris à nos pieds, nous sommes regroupés près des fleurs en papier. Recueillis, on écrit, pardi, on noircit le papier, on regarde, on contemple, on se dépêche, on court presque car il faut raconter notre histoire et la consigne est besogneuse car il faut faire dans l’historique.
Du pain sur la planche, des gens sur les pelouses, du plomb dans la cervelle.
On bat de l’aile, on a soif tellement il fait beau, on a chaud sur la peau et dans le coeur. On partage un beau moment avec notre Paris toujours à nos pieds, et nous, un peu voyeurs, juchés sur notre colline de Belleville entourés de pique niqueurs, de musiciens, de mamans et grands parents…
oui, je reconnais l’ambiance de ce jour-là grâce à ton texte, Christine, merci !