À Lagrasse, dans les Corbières, l’été, l’automne et au printemps, se donne Le banquet du livre et des générations
Un lieu et un temps merveilleux où, pendant 7 jours l’été — 3 jours en automne — l’on s’assemble autour d’auteurs écrivant aujourd’hui pour parler littérature, philosophie, histoire ; où l’on cherche, ensemble, dans le travail et dans les livres, ce que les auteurs invités ont creusé autour des questions que notre monde nous pose.
En ce Banquet de l’automne 2016, le thème qui nous a rassemblés était Le travail de la langue.
David Bosc, Maylis de Kerangal, Laurent Mauvignier, Hélène Merlin-Kajman, Emmanuelle Pagano et Emmanuelle Pireyre ont ouvert pour nous leur atelier.
Le beau travail, j’ai emprunté son titre à Maylis de Kerangal lorsqu’elle nous parlait du travail de la langue .
Ce qui manifeste la littérature est le travail de la langue — “C’est pour trouver la langue littéraire, pour la former, la tenir, qu’on écrit. Ce qui se joue dans l’écriture est le désir d’une langue.”
“Le travail de la langue est une rêverie ; il s’agit d’approcher quelque chose qui n’est pas encore formé dans le langage, de se tenir disponible, se faire poreux.” Alors ça approche, comme une obsession. “On devient gros de cette obsession qui ne trouvera forme que dans le travail de la langue.”
Dans les premiers temps de l’écriture, on n’écrit pas. On s’approche de l’écriture en ouvrant un carnet, on se met au travail de la langue et le carnet encourage l’écriture.
Ensuite il y a “la nidification. Le temps de la collection.” Une quinzaine d’ouvrages collectés dans la bibliothèque (fictions, essais, histoire, documents, guides touristiques, atlas, etc.), “sans rapport direct avec le livre à venir mais chacun d’eux porte l’intuition du texte au travail.” On laisse prendre corps, on rêve activement…
Ensuite, soudain, l’écriture est là.
Il y a toujours au moins deux langues dans l’affaire : “la langue que l’on travaille, qui nous travaille, n’est jamais celle que l’on parle.” Il s’agit de chercher une langue étrangère, d’en porter la traduction. “Dans la langue maternelle je dois creuser le trou d’une autre langue, qui est celle de la fiction. Un langue qui va se séparer de la langue commune. La langue littéraire est un espace sauvage où tout est permis.”
Parlant d’écrire, David Bosc disait qu’il cherche à “provoquer le désarroi du langage” et citait Pascal Quignard :
“Œuvrer à on ne sait quoi pour atteindre on ne sait où.”