Accompagner la naissance de vos personnages

Pendant cinq jours je vous ai accompagnées et vous avez écrit — c’était l’atelier Personnages.

Où se trouve l’inspiration, entre la vie, le monde, l’imagination ? Nous avons commencé par explorer différentes sources d’écriture. Certains personnages sont venus de ces espaces entre rêves et rêverie langagière où naissent les imaginations ; d’autres ont surgi de vos expériences, de vos rencontres. Le deuxième jour, ils s’étaient invités dans vos textes, ils étaient là.

« Un jour, ils sont là. (…) Là, à la frontière entre le rêve et la veille, au seuil de la conscience. Et ils brouillent cette mince frontière, la traversent avec l’agilité d’un contrebandier. » (Sylvie Germain, Les Personnages.)

Il s’agissait de donner à ces personnages surgis dans vos textes la vie qu’ils demandaient.

Le personnage « est si passionnément désireux de passer dans la langue, d’être accueilli dans l’écriture, qu’il fait vibrer le langage en sourdine. (…) Alors le langage se met à remuer étrangement dans la pensée encore indécise de l’écrivain sollicité. Il remue, il remue, comme une eau inquiète, une lave en tourment, balbutiante. » (Sylvie Germain, Les personnages.)

Qu’est-ce qu’un personnage de fiction ? Comment le rendre vivant, le mettre en mouvement, le donner aux lecteurs au point où il restera inscrit dans les mémoires ?

Ensemble, nous avons travaillé à donner du goût, de la chair, des objets, de la présence à vos personnages.

« Que les corps se lèvent, marchent et l’espace de trois phrases, dans l’esprit des lecteurs, apparaissent, soient là et vivent. » (Pierre Michon, Le roi vient quand il veut.)

Vos personnages ont pris consistance dans les situations que vous inventiez pour répondre à mes propositions d’écriture. Ils gagnaient en présence. Leurs mondes prenaient vie.

« Je vis parmi mes semblables — les clodos, les estropiés, les charlatans, les mémères à chats (…) Gertie qui a plus de permis pour une bête histoire de feu rouge, alors elle a rempli sa voiture de terre et elle l’a transformée en pot de fleurs ; (…) Jérémie qui a parcouru deux cent mille kilomètres sur son vélo d’appartement, cent bornes par jour depuis seize ans, cinq fois le tour de la Terre sans rien voir d’autre que son papier peint, et on va fêter ça dignement, parce que ce soir on monte tous chez lui, il y aura sa copine, énorme, d’une addiction à la mayonnaise, et leur chat, debout sur une guitare, qui grattera doucement les cordes… » (Régine Detambel, Martin Le Bouillant, publie.net.)

Vous avez confronté vos personnages à des conflits selon les principes de la narration, de la dramaturgie. Texte après texte, vous avez dessiné les intrigues qu’ils vous inspiraient — vous êtes entrées dans le récit.

Nous étions, tout le long de cet atelier, en compagnie de : Virginia Wolf, Elizabeth George et ses secrets d’écrivain, Sylvie Germain, Bond, Sarraute, Maupassant, Duras, Michon, Desbordes, Bergounioux, Carver, Brautigan, Poe, del Castillo, Roth, Pierette Fleutiaux, Régine Detambel, Jeanne Benameur, Katarina Mazetti, Elise Turcotte, Christine Comencini, Lorette Nobécourt, François Bon et sa belle proposition sur Koltès, Philippe Fusaro, Proust, Camus, Sophie Calle…

Vous en avez rêvé parfois, ils vous ont saisies, vous les avez créés – Violette, Naïda, Denise, Bernard, Lucile, le commissaire D… Nous étions nombreux, les derniers jours autour de la table, avec cette connaissance de chaque personnage que permet l’écoute attentive des textes dans l’atelier – nous étions nombreux, et vivants.

naissance d'un personnage

6 réflexions au sujet de « Accompagner la naissance de vos personnages »

  1. Chère Claire, merci de nous avoir accueillies dans ton atelier, dans ton cadre et d’avoir accompagné nos écritures. Dans cet espace privilégié de création et d’expérimentation qu’est l’atelier d’écriture, tes propositions ont appelé des personnages. Nos personnages. Le mien me plait, follement, il continue, hors les murs, de se révéler avec moi avec tant de douceur que cela me déroute. Longue vie à lui ! Longue vie à tes ateliers ! Bel été. Je reviendrai, c’est certain, écrire à tes côtés. En confiance. La route d’écriture est encore longue, c’est un voyage passionnant. Je te remercie pour ce que tu nous as donné pendant ces cinq journées d’été. Véronique Delamarre

    • Merci, chère Véronique, pour ce témoignage !
      Je suis heureuse que tu aies, auteure confirmée pour la jeunesse, trouvé dans l’atelier de quoi renouveler tes pratiques et approches de tes personnages. Il s’agit bien là d’une formation des auteurs.
      Merci pour ta confiance renouvelée et : longue vie au commissaire Moderan D. !

  2. Des recettes, les livres en sont remplis. Si on les suit on verrait bien un résultat. Dans l’atelier de Claire, c’était autre chose. Des personnages sont apparus, mais pas seulement. Ils ont pris corps, se sont invités à notre table. Nous avons partagé des bribes de leurs histoires. Chaque jour, des liens se sont tissés. Dans l’émerveillement de leurs découvertes. Maintenant ils sont là, avec nous. De quelques détails notés de manière furtive, Naïda, est devenue mon personnage. Avant ces cinq jours d’atelier, je ne soupçonnais pas son existence, et aujourd’hui, elle veut que je lui écrive une histoire dont elle serait l’héroïne. C’est en lisant le blog de Claire, que l’envie de participer à son atelier m’est venue. J’ai fait un beau voyage. Je voudrai en refaire, encore.

    • Merci, chère Clarysse, pour ce témoignage sur le vivant et la créativité de notre atelier ! Oui, être accompagné(e) dans l’écriture est une autre autorisation que s’y mettre seul(e), même avec appui des livres et conseils d’écrivains.
      Je suis très touchée d’avoir assisté à la naissance de Naïda puis, peu à peu, appris à la connaître. Très touchée aussi que tu sois venue dans l’atelier grâce à la lecture de ce blog — lire et écrire sont, tu en donnes la preuve s’il en fallait une, liés.
      A bientôt avec plaisir pour d’autres voyages en terres d’écriture.

  3. Super ce stage !!
    Claire, à la suite d’exercices, de consignes ou de lectures choisies nous a complètement plongées dans la création de nos personnages.
    Je n’aurais jamais imaginé l’émergence sous mon stylo de Bernard, Thomas, Prudence, Josette, Isabelle et Vince.
    Pourquoi d’ailleurs ai-je choisi ces prénoms ?
    Je n’aurais jamais cru que ces personnages découverts au bout de deux jours seulement puissent prendre vie. Des êtres imaginaires devenant réels ?
    Encadrée et encouragée par Claire j’ai laissé mon imagination prendre le dessus de mes craintes de ne pas « être à la hauteur » de ce stage d’écriture.
    Et je m’y suis sentie très à l’aise d’autant que l’ambiance avec les autres stagiaires était très, très sympathique.
    Merci Claire.

    • Merci, chère Axelle, de ton commentaire.
      Oui, c’était un plaisir d’assister à la naissance de ces personnages – si différents, si vivants – et je suis heureuse que ton imagination, se sentant en sécurité, se soit avérée plus forte que tes craintes !
      A bientôt !

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