Une chambre de rêves et d’écriture…

Quelle belle métaphore pour l’atelier à venir !

« On aime dire : j’ai gagné du temps, comme si ce gain pouvait nous satisfaire […] Ce gain imaginaire, il se distille partout, mais insensiblement, en nous faisant croire que nous disposons d’un surcroît de désir. Projetés dans le faire, dans l’accumulation de biens et l’agitation de vies urbaines soumises à des rythmes et contre-rythmes multiples, nous nous séparons insensiblement de nous-mêmes. A l’opposé de ce mouvement qui nous porte à l’écoute, cette écoute flottante que l’on peut avoir pas seulement dans un cabinet d’analyste mais dans l’existence, et qui, proche de la méditation, serait une manière d’envisager le réel sans violence mais en s’y laissant affecter. Dans ce mouvement, en effet, il y a du temps perdu. Inévitablement, c’est-à-dire de la flânerie, de l’ennui, de l’insomnie, tous ces intervalles qui ne servent à rien et pourtant se traduisent en état d’être, en inquiétude, parfois en errance. […] Loin que le temps nous soit intérieur, c’est nous qui habitons le temps, c’est nous qui nous déplaçons en lui, comme dans un milieu virtuel où coexistent, dans une profondeur obscure, tous les degrés de la durée. Se laisser flâner au hasard, se perdre dans une ville que pourtant on connaît […] oublier un rendez-vous, prolonger l’insomnie jusqu’au matin, se réconcilier pour un temps avec nos fantômes – sont autant qu’on arrache à une économie des liens qu’on voudrait régler autant que notre « emploi du temps » ; et cette incapacité éprouvante de nos heures nous ramènera insensiblement vers la petite enfance, les temps du jeu et de l’éveil, des cabanes et des fous rires, vers l’inquiétude aussi, quand le temps s’étirait aux confins du jour dans une projection insaisissable de durée. Que veut dire demain quand on a quelques mois ? Demain comme hier est un continent où la promesse, « je reviendrai » est le seul point fixe (la voix, l’invocation) qui fait sens pour l’enfant, lui donnant la force d’attendre et de faire de ce temps de l’attente, un refuge, une chambre de rêves et d’écriture d’où il peut explorer le monde. »
Anne Dufourmantelle, Éloge du risque

Oui, l’atelier est bien un temps où flâner au hasard des mots — un temps dédié à la rêverie et au jeu qui ouvrent les portes insoupçonnées de l’écriture.

Voir Prendre soin des écritures avec Anne

3 réflexions au sujet de « Une chambre de rêves et d’écriture… »

  1. Merci Claire, déjà, pour la découverte de Belinda Canone et son émerveillement, au détour d’une de ses pages ce bijoux de beauté, le rêve du vent : http://strandbeest.com.
    Je vais de ce pas, me plonger, dans l’oeuvre d’Anne Dufourmantelle.
    Amitiés,
    Emmanuelle

    • oh, merci Emmanuelle – je cours vers la page rêve du vent et suis heureuse que tu découvres l’oeuvre d’Anne Dufourmantelle. J’aurai plaisir à parler de ces découvertes avec toi.

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