Chaufferie des imaginations

J’avais proposé de vous accompagner dans l’écriture de fictions.

Il s’agirait de la compagnie des livres qu’on aime, de notre goût partagé pour les intrigues, de chaufferie de l’imagination, de fabrique d’histoires.

Ensemble nous avons joué, vous avez cherché l’inspiration, inventé des personnages, des enjeux, des intrigues… Les techniques narratives ne nous ont pas fait perdre de vue qu’une histoire trouve sa force lorsqu’elle répond à une nécessité pour son auteur. Nous avons d’ailleurs commencé par cette question, le premier jour, avec Italo Calvino : sur quelle étagère et parmi quels autres romans le vôtre – celui que vous seriez seul(e) à pouvoir écrire – trouverait-il sa place ?

« Pour quoi écrit-on un roman ? (…) On écrit un livre afin qu’il puisse être placé à côté d’autres livres, pour qu’il entre sur une étagère hypothétique et, en y entrant, la modifie en quelque manière, chasse de leur place quelques volumes ou les fasse rétrograder au second rang, provoque l’avancement au premier rang de certains autres. »
Italo Calvino, La machine littérature.

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Nous avons retrouvé Italo Calvino deux jours plus tard (après combien de voyages en imagination ?), avec le principe du jeu combinatoire qu’il énonce dans La machine littérature.

Le processus de l’art est « analogue à celui du jeu de mots ; c’est le plaisir infantile du jeu combinatoire qui pousse le peintre à expérimenter certaines dispositions de lignes et de couleurs, et le poète à tenter certains rapprochements de mots ; à un moment donné, se déclenche le dispositif précis par lequel une des combinaisons obtenues (…) se charge d’une signification inattendue ou d’un effet imprévu, auxquels la conscience ne serait pas parvenue intentionnellement : une signification inconsciente, ou, du moins, la prémonition d’un sens inconscient. »

Avec lui, nous avons joué.

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La voix d’Italo Calvino était avec nous.

« Tout commença avec le premier conteur de la tribu.
Alors déjà, les hommes échangeaient des sons articulés, liés aux nécessités pratiques de la vie ; déjà existaient le dialogue, et les règles que le dialogue ne pouvait pas ne pas suivre ; telle était la vie de la tribu : un code de règles complexes sur lequel devait se modeler toute action et toute situation. Le nombre des mots était limité : aux prises avec le monde innombrable et multiforme, les hommes se défendaient en lui opposant un nombre fini de sons diversement combinés. De même, les comportements, les usages, les gestes étaient précisément déterminés, et toujours répétés, dans la récolte des noix de cocos ou des racines sauvages, dans la chasse au buffle ou au lion, dans le choix d’une femme – qui créait de nouveaux liens de parentèle hors du clan –, dans l’initiation à la vie et à la mort. »

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« Le conteur se mit à proférer des mots, non point pour que les autres lui répondent par d’autres mots prévisibles, mais pour expérimenter jusqu’à quel point les mots pouvaient se combiner l’un avec l’autre, s’engendrer l’un l’autre (…). Le narrateur ne disposait que d’un petit nombre de mots : jaguar, coyote, toucan, pirana, ou bien fils, beau-père, oncle, femme, mère sœur, bru ; les actions que ces êtres pouvaient accomplir étaient tout aussi limitées : naître, mourir, s’accoupler, dormir, pêcher, chasser, grimper sur les arbres, creuser des tanières dans le sol, manger, déféquer, fumer des fibres végétales, interdire, transgresser les interdits, offrir ou voler des objets ou des fruits – objets et fruits classables à leur tour selon un catalogue limité. »

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« Le narrateur explorait les possibilités implicites de son langage, en combinant et permutant les êtres, les actions et les objets sur lesquels ces actions pouvaient s’exercer ; il en naissait des histoires, des constructions linéaires qui présentaient toujours des correspondances, des oppositions : le ciel et la terre, l’eau et le feu, les animaux qui volent et ceux qui creusent leur gîte, chaque terme ayant son cortège d’attributs, son répertoire d’actions. Le déroulement des histoires permettait certaines relations entre les éléments et en excluait d’autres, certaines successions et non d’autres : l’interdit devait précéder la transgression, la punition devait la suivre ; le don des objets magiques devait venir avant l’affrontement des épreuves. Le monde fixe qui entourait jusque là l’homme de la tribu – constellé de signes établissant des correspondances fugitives entre les mots et les choses – s’animait à la voix du narrateur, s’ordonnait dans le flux du récit-discours, à l’intérieur duquel chaque mot acquérait de nouvelles valeurs, qu’il transmettait aux idées et aux images qu’il désignait ; tout animal, tout objet, tout rapport acquérait des pouvoirs bénéfiques ou maléfiques, des pouvoirs qu’on dira magiques et qu’on pourrait plutôt appeler pouvoir narratifs : potentialité que détient le mot, faculté de se lier à d’autres mots dans le champ du discours. »
Italo Calvino, La machine littérature.

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Pendant quatre jours vous avez écrit, nous avons joué – combien avons-nous voyagé ?
Nous quittant, le dernier soir, habitées de toutes ces histoires inventées et partagées, nous n’étions plus les mêmes.

6 réflexions au sujet de « Chaufferie des imaginations »

  1. Te convaincre de participer à l’atelier Fictions ?
    – te dire que ce n’est pas loin ; c’est à Paris, dans le XIVe arrondissement. Il y a une bouche de métro à deux pas, sûrement une tonne de stations de bus et un paquet de bornes Vélib’ ;
    – te dire que l’objectif de l’atelier est de raconter des fadaises, des balivernes, des salades, des gourmandises, bref des histoires ;
    – te dire qu’une fois ces histoires bien engagées, on rentre dans l’aventure qui prend les tripes et le cerveau, si bien qu’à la fin d’une journée, en passant la porte de l’atelier, l’on se retrouve non pas dans la rue mais sous un ciel dégagé à l’heure de la rosée, dans une grande plaine couverte d’herbe à bison ;
    – t’avouer, du coup, qu’il te sera quand même difficile de retrouver le métro, le bus ou le Vélib’ par lequel tu es venu, une fois fini l’atelier.
    Valentine RP

  2. Écrire de la fiction oui, cette envie me taraudait depuis longtemps, je voulais sortir du « moi » de l’autobiographie, des histoires vécues. Oui mais alors comment écrire quelque chose qui ne soit pas trop éloigné de moi, garder une proximité avec mes personnages pour les exploiter, les aimer suffisamment dans l’écriture d’un texte long ? Comment continuer à porter un sujet qui me tienne à cœur, qui me ressemble dans un texte de fiction ? Comment faire pour que ce texte soit signé de ma singularité, qu’il ne copie pas les voix existantes ?
    Je suis arrivée à l’atelier de Claire Lecœur avec toutes ces questions sur la fiction, j’ai découvert que mes questions étaient justifiées, audibles. Les propositions d’écriture de Claire me permettaient de tracer mon chemin dans une fiction tout en trouvant des réponses à mon questionnement.
    Je suis sortie de ces 4 jours d’atelier en ayant donné corps à un projet d’écriture que je portais en moi depuis longtemps. Aujourd’hui je tiens des personnages de fiction et un début de fil narratif et je tiens à ce fil, ce n’est pas n’importe quel fil, c’est le mien, Claire m’a aidé à le reconnaître au milieu de multiples autres.
    Marion Rollin

  3. Avec son atelier Fictions, Claire nous titille du côté des mots, des personnages et des histoires, nous fait explorer de multiples voies (même si on a toujours le loisir de prendre celles de traverses), découvrir de multiples voix – les nôtres, celles qu’on ne se connaissait pas encore, et celles des autres – si singulières qu’on sort de l’atelier avec l’impression d’avoir voyagé, et avec un œil neuf sur notre ancien monde.
    Claire sait susciter, dans un groupe, chaleur et humour. Autre plaisir de l’atelier : il n’y a que là qu’on puisse entendre ce genre de phrases, prononcées avec délice, surprise ou sérieux : « il est blessé à la jambe, j’y tiens ! », « je veux un lieu assez austère… », « meurtrier, assassin, c’est ça qui est bien ! », « être dans le squelette, c’est vachement aidant ! »
    NL

  4. Promesse de chaufferie d’imagination remplie à 1000 % ! Des exercices divers et variés nous prennent par surprise et font jaillir des textes étonnants. L’atelier pourrait s’appeler « l’écriture est un jeu d’enfant », mais ne vous y trompez pas : l’aspect ludique du travail n’est certainement pas innocent et encore moins inoffensif. Il provoque un volcan d’émotions et d’idées qui se concrétisent par un début de roman pour certaines, de grandes révélations pour d’autres.
    Claire Lecoeur porte bien son nom : elle parle clair et ça vient du cœur. Son écoute est bienveillante, son éclairage encourageant ; elle est habitée par des centaines de romans et de personnages qu’elle tire de son chapeau de magicienne pour venir répondre à nos doutes ou questions…
    Et, pour couronner le tout, une entente cordiale au sein du groupe et de nouvelles amies en perspective !
    Avec Gratitude,
    Ludmilla Garcia

  5. Tu viendras dans l’atelier Fictions pour découvrir, ouvrir ton esprit, élargir ton chemin vers une écriture plus limpide, plus riche et plus accessible. Tu seras sans doute étonné(e) d’entendre des textes inattendus, jamais écrits avant, fantastiques, fantasmagoriques, poétiques, en tout cas auxquels tu ne t’attendais pas.
    L’animatrice jouera parfaitement son rôle d’aide, d’accompagnatrice, de fournisseuse de pistes, de recherches constructives et positives pour faire progresser ton écriture.
    Les autres participants(es) émettront leurs points de vue, réagiront individuellement à la demande de l’animatrice face aux textes lus par toi qui les auras écrits…

    Cet atelier « Fictions » m’a ouvert de multiples horizons et clefs pour mon projet d’écriture. Je remercie vivement son animatrice. Elle manifeste une écoute profonde, de la bienveillance vis-à-vis de chaque participant. Elle a une patience formidable, du talent pour cadrer les « apprenties écrivaines » que nous étions.
    Catherine Macé

  6. Si vos doigts et surtout vos pensées vous chatouillent, n’hésitez pas à venir chauffer votre imagination à l’Atelier de Claire Lecoeur. Autour de café-thé, chocolats vous serez cocooné(e) et vous serez surpris(e) de traverser des chemins d’écriture très variés, enrichis par l’imaginaire de chacun des participants.
    Mais ne vous y trompez pas, les temps d’écriture pour Claire sont sacrés, du coup chacun se laisse glisser dans la ronde. On en sort conscient(e) que l’ascension est loin d’être terminée, mais toujours heureux(se), je crois, par l’ouverture de cet espace — et on a envie d’y revenir !
    Maïté

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