S’adresser

Une monstrueuse aberration fait croire aux hommes que le langage est né pour faciliter leurs relations mutuelles,

écrit Michel Leiris.

C’est après Noël. Je trouve ces mots de Leiris sur une carte postale achetée lors d’un autre Noël, peut-être. Oui. Les mots parlent rarement la même langue que les actes.

Écrire. S’adresser.

Pierre Michon dit qu’écrire est le contraire absolu de la parole.

Quand on a que les mots dans le silence d’écrire, écrire devient l’acte.
Écrire est cet appel adressé à l’autre absent.

10 réflexions au sujet de « S’adresser »

  1. Écrire est cet appel adressé à l’autre absent, je suis d’accord avec vous car j’ai l’habitude de dire: les livre que j’écris sont des lettres que j’adresse à mon frère jumeau mort prématurément. Il s’appelait Ugule, c’est -à-dire entendre, comprendre et moi Je suis Ulabe, c’est-à-dire: Voir, observer, témoigner. Il n’a pas voulu venir à cause de la misère, des malheurs et des souffrances de notre continent, l’Afrique, il m’a donc envoyé pour lui faire le point sur ce que je vis ici bas. C’est pour cette raison que je soutiens fortement votre idée.
    http://www.ndze.com

    • Merci, Jean, pour l’histoire de ce frère qui vous envoie observer et attend, depuis l’absence, votre témoignage de ce qui se vit en Afrique.
      « L’amère saveur de la liberté » est un bon titre, adressé à celui qui entend et comprend.

  2. Il me semble qu’écrire peut aussi séparer, avancer sur un chemin où l’autre – les autres (famille, entourage) – ne peut – ne peuvent – pas suivre ; pas les mots, pas l’envie, ou des blocages plus profonds, ou…
    « A quoi ça sert, c’que t’écris ? ça paie ton loyer au moins ? Tu ferais mieux de trouver un vrai boulot, quand même ! » – inutile de répondre à l’oral, et la réponse écrite sera lue par d’autres, et peut-être, là, dans cet espace-là seulement, entendue – s’adresser aux autres parce que ceux à qui ont veut vraiment s’adresser ne peuvent pas, ne veulent pas comprendre ?
    Peut-être…

    • Oui, chère Patricia… et peut-être que, ce faisant, on se sera détaché(e) de la demande qu’on voulait adresser à celles / ceux qui ne peuvent l’entendre… peut-être que cette demande, se détachant, se sera transformée en texte ou en livre — une fois construite la distance qui permet de s’adresser… à l’absence ?
      Peut-être, en effet.

  3. Ecrire est pour moi exprimer ce que je ressens au plus profond de moi et que je suis incapable d’exprimer par la parole trop rapide et qui se heurte – et là je suis entièrement d’accord avec Leiris –
    à l’autre sans pouvoir établir une véritable relation

    • Oui, Denise, le langage offre sa structure à nos émotions, à nos affects, à nos imaginations… les mots nous aident à construire, à donner sens à ce qui peut ainsi devenir lisible par les autres.

    • L’écriture est une thérapie, elle nous permet de soigner nos blessures intérieures. Elle peut-être vue comme une affirmation de soi. Dans un monde aux identités plurielles, l’écriture est une passerelle pour mieux faire connaitre ma culture et donner la voix à tous ceux là qui souffrent en silence et qui cherchent sans succès un tam-tam pour relayer l’écho de leur message. L’écriture vient tout guérir car son message est d’une si grande portée qu’il peut toucher une multitude de personnes et donner du sens au langage.

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